8- Un témoin au féminin : Yolande Mukagasana
Corresponding Author(s) : Rangira Béa Gallimore
Revue africaine des livres,
Vol. 1 No 2 (2005): Revue africaine des Livres, volume 1, n° 2, 2005
Résumé
La mort ne veut pas de moi, Fixot, 1997, 17.23 euros, ISBN 2-221-08593-0;
N’aie pas peur de savoir, Robert Laffont, 1999, 18.69 euros, ISBN 2-290-30063-2;
Les Blessures du silence, Actes du Sud, 2001, 24.90 euros, ISBN 2-7427-3563-1.
par Yolande Mukagasana
Le substantif « témoin » en Kinyarwanda se traduit comme « umugabo », terme qui signifie en français « homme » au sens masculin du terme. Même la preuve par neuf couramment utilisée en arithmétique par les enfants de l’école élémentaire se traduit comme «umugabo» en kinyarwanda. Il est donc clair que dès le plus jeune âge, l’enfant rwandais apprend inconsciemment la validité et le pouvoir de la parole masculine et indirectement le caractère éphémère et banal de la parole féminine. Au Rwanda traditionnel, le témoignage était donc conçu au départ comme un acte de parole réservé aux hommes et duquel les femmes étaient exclues. La crédibilité du témoin féminin est réfutée notamment quand le contenu du témoignage constitue un sujet sérieux ou tabou. L’acte de témoigner du génocide est encore plus compliqué parce que le témoin doit rendre l’indicible dicible par le pouvoir de la parole. Dans ses trois livres, Yolande Mukagasana, une femme rwandaise qui a perdu presque toute sa famille pendant le génocide de 1994, réclame l’acte de témoigner, se l’approprie et pousse même ceux qui ont peur de la parole et ceux qui l’ont perdue à la reprendre et à la récupérer pour enfin témoigner.