0 - Éditorial
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CODESRIA Bulletin,
No 01 (2018): Bulletin du CODESRIA, n° 1, 2018
Résumé
Cette édition du Bulletin est publiée sur fond de célébrations marquant la naissance du Conseil. Cette année, le CODESRIA a quarante-cinq ans, fait remarquable pour une organisation créé dans les années 1960 comme Conseil des directeurs d’instituts de recherche économique et sociale en Afrique. En 1973, il a été officiellement établi comme organisme panafricain indépendant de recherche avec Samir Amin comme premier Secrétaire exécutif. Février est donc un mois spécial pour le Conseil.
La création du CODESRIA était en soi une réaction à une histoire de violence épistémique et d’hégémonie coloniale qui continuait à définir la recherche et la pensée critique en Afrique et sur elle. Le Conseil est égale- ment né de la nécessité d’une hégémonie intellectuelle pour accompagner la nouvelle vague d’indépendance et d’autodétermination qui traversait le continent dans les années 1960 et 1970. Officiellement créé à la suite des luttes anticoloniales et d’indépendance, seize ans après l’accession du Ghana à l’indépendance en 1957, le CODESRIA a grandi dans un système international de production connaissances auquel il devait se rapporter, mais contre lequel il fallait définir un programme auto- nome. Il n’est pas surprenant que dans les nombreux débats, endogénéiser les connaissances du continent et «dissocier» radicalement l’Afrique des contre-vérités de l’intellectualisme euro-centrique abstrait était une priorité. Les priorités du Conseil ont été atteintes grâce à la promotion de recherches dynamiques, au réseautage et à la publication sur les réalités africaines. En mettant l’accent sur la publication par les Africains, le Conseil a délibérément privilégié des stratégies de décolonisation du savoir et de face à face avec la résilience de la vio- lence épistémique. Quarante-cinq ans après, alors que le système international de production de connaissances évolue et devient de plus en plus injuste, cette mission est aussi pertinente et aussi pressante qu’à la fondation du CODESRIA.
Ce contexte historique explique le caractère spécial de la journée du CODESRIA. Jusqu’à récemment le Conseil célébrait son anniversaire le 1er février par un événement organisé à son siège à Dakar (Sénégal). Cependant, en 2018, le CODESRIA a choisi d’inaugurer la série de conférences de la Journée du CODESRIA, série annuelle qui sera organisée pour commémorer cette journée. Le 21 février, Sabelo J. Ndlovu-Gatsheni a donné, à Harare (Zimbabwe), la première Conférence de la Journée du CODESRIA intitulée « Les luttes pour des libertés épistémiques en Afrique » lors de l’atelier de lancement de l’Initiative de recherche pour la construction du sens (MRI). Nous en publions une version abrégée dans ce numéro du Bulletin.
Cette édition du Bulletin engage de façon critique les débats autour de la violence épistémique, débats qui touchent à une question qui est au cœur du mandat du CODESRIA. l’exposé de Sabelo J. Ndlovu- Gatsheni sur les luttes pour la liberté épistémique en Afrique, le Bulletin comporte une réflexion par Francis Nyamnjoh qui (re)situe et (ré)imagine les connaissances sociologiques contemporaines dans le contexte sud-africain sur un fond de luttes pour la liberté épistémique. Ceci est symbolisé par les mouvements «Rhodes Must Fall», «Fees Must Fall» et autre mouvements associés. Peut-être encore plus provocatrice est Tafadzwa Tivaringe qui argue que les efforts centrés sur la race pour décoloniser l’académie butte sur l’écueil inévitable de l’essentialisme biologique d’une manière qui est, par inadvertance, contraire à l’émancipation des épistémologies déjà asujetties.
La série suivante d’articles reprend la discussion sur les relations inconfortables de l’Afrique avec les intellectuels, d’une part, et les études africaines, de l’autre. Shivji répond à la question d’Edward Said (1994) de savoir si tous les intellectuels organiques sont des intellectuels publics et vice-versa, soulignant que tous les intellectuels publics ne sont pas des intellectuels organiques, car de nombreux intellectuels se coupent de leur lien organique avec les masses opprimées pour éviter de ternir leur image publique. Livio Sansone aborde la décolonisation des études africaines et explique comment surmonter la division coloniale du travail entre producteurs de connaissances universitaires du Nord et fournisseurs d’informations du Sud. Les contributions d’Ayanda Manqoyi et Mirjam de Bruijn portent sur la mobilité des universitaires africains. Manqoyi se concentre sur l’exceptionnalisme et le provincialisme sud-africains et sa subséquente dévaluation du savoir et des intellectuels africains. De Bruijn mobilise la notion d’«accès refusé» pour réfléchir à la politique de visas de l’Europe et à comment cela porte un coup fatal aux rêves des jeunes Africains cherchant à développer leurs aspirations.
Les deux contributions suivantes abordent les préoccupations d’identités corporelles avec Bebel Nepomuceno qui utilise l’ascension du mouvement identitaire Hip-Hop chez les jeunes Noirs du Brésil pour discuter de l’utilisation de l’esthétique noire comme moyen d’affronter le pouvoir hégémonique. Zoly Rakotoniera aborde la production et le marquage bizarres des corps à Madagascar à travers l’humour. Cet article est suivi de trois articles par Dennis Masaka, Mlamuli Hlatshwayo et Kehdinga George Fomunyam, Donkor et al. ; Paola Vargas Arana et Muhammed Bolaji, qui portent sur l’évolution de l’enseignement supérieur en Afrique. Le Bulletin conclut par deux articles sur le cinéma africain avec Africanus Aveh qui se penche sur les complexités de la production cinématographique au Ghana, alors qu’Okello Oculi termine avec une discussion libre sur Ousmane Sembène et son engagement avec la masculinité et la féminité au cinéma.
Le Conseil espère que vous trouverez le Bulletin rafraîchissant et provocateur et que vous le manifestiez en engageant les idées contenues dans le Bulletin. Nous invitons les réactions, réponses et réfutations et espérons que cette discussion ira au-delà du Bulletin et intéresser d’autres forums et plateformes.
Godwin Murunga
Secrétaire Exécutif, CODESRIA
et
Divine Fuh
Chef du Programme Publications et diffusion, CODESRIA
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