1- Editorial
Corresponding Author(s) : AbdaHa S. Bujra
Africa Development,
Vol. 3 No. 4 (1978): Africa Development
Abstract
Ce numéro d'AFRICA DEVELOPPEMENT traite d'un thème d'intérêt crucial pour le CODESRIA — à savoir le rapport entre la recherche en science sociale et le développement social, économique et politique de Γ Afrique. C'est l'aboutissement de trois années de publi cations de ce journal. Dans le premier numéro d'AFRICA DEVE LOPMENT j'avais déclaré dans l'éditorial que « le but essentiel du journal est de fournir un forum aux intellectuels africains (et non afri cains) pour leur permettre de faire une analyse critique des problèmes émanant du processus continu du sous-développement passé et pré sent, qui a lieu en Afrique. Dans cet éditorial, je ne passerai pas en revue les réalisations et les échecs de ce journal à proprement parler car le CODESRIA a d'autres activités outre la publication de ce jour nal. L'objectif principal et fondamental de l'ensemble des activités du CODESRIA, est d'essayer de réorienter la recherche en science sociale en Afrique de manière à ce qu'elle puisse devenir plus pertinente dans l'analyse de la situation africaine. Je vais donc d'abord tenter très brièvement, de brosser un tableau des activités du CODESRIA pendant les cinq dernières années (y compris la période ayant précédé la création du journal). Ensuite, je traiterai, brièvement également, des problèmes fondamentaux soulevés dans ce numéro spécial d'AFRICA DEVELOPMENT et dans le cadre d'autres activités du CODESRIA. La réorientation, à une échelle continentale, de la science sociale conventionnelle dominante actuellement n'est pas une tâche facile; en fait, certains diront et ont dit qu'il s'agit d'un rêve utopique. Soit. Nombre de difficultés s'opposent à tous ceux qui entreprennent une telle tâche, surtout sur le continent africain. Ces difficultés sont bien connues. Il y a d'abord les liens très étroits qui unissent nos universités et nos instituts de de recherche, nos bibliothèques et nos chercheurs, aus si bien à l'Europe métropolitaine qu'à l'Amérique du Nord. Il y a ensuite la division linguistique du continent. Troisièmement, la grande diffficulté de communication physique à l'intérieur du continent. Quatrième ment la non-disponibilité de ressources financières adéquates pour entreprendre une telle tâche, etc... Ce sont là des difficultés objectives bien connues. Lorsqu'il fut mis sur pied, le CODESRIA était très conscient de ces problèmes mais prit néanmoins la décision d'entre prendre une action sur la structure actuelle de la recherche en science sociale en Afrique qui a été héritée de la période coloniale, et qui s'est renforcée en permanence pendant les années 60 et le début des années 70 — au début de la période de formation des sociétés néo coloniales. Ayant fait mention des difficultés objectives (sans entrer dans les détails), je vais maintenant expliquer brièvement les activités que nous avons entreprises et leurs objectifs. Toutes nos activités sont liées à l'objectif fondamental tendant à rendre la science sociale en Afrique, pertinente, autonome, et éventuel lement génératrice d'idées, de concepts et de théories se rapportant à la spécificité de la situation africaine et aussi à la nature générale de problèmes du sous-développement dans les pays du Tiers-Monde. Ainsi donc, les activités que nous allons décrire dans les paragraphes qui suivent sont liées les unes aux autres et de ce point de vue, forment un tout. (i) Nous organisons des séminaires, des groupes de travail et des conférences sur divers thèmes importants ayant trait au processus de développement en Afrique (voir la liste des thèmes prioritaires qui ont déjà fait ou feront l'objet de séminaires). Les objectifs de ces sémi naires sont : a) mobiliser les chercheurs africains en activité pour les amener à produire le résultat de leur recherche et à en discuter avec d'autres chercheurs en provenance de différentes parties de l'Afrique. Ce processus a favorisé dans le passé la génération des nouvelles idées et des discussions sérieuses sur des ques tions importantes se rapportant au développement économique, social et politique de l'Afrique. Je demeure convaincu que ce processus continuera à avoir le même impact dans l'avenir ; b) mettre en contact des spécialistes africains de la science socia le qui sont normalement séparés les uns des autres par la distance et très souvent par les problèmes de langue. (ii) Nous constituons et avons constitué dans le passé des Grou pes de Travail ou de recherche composés de dix à douze participants originaires de différentes régions du contient, ou d'une même région pour entreprendre de la recherche (au niveau du groupe ou dans le cadre de leurs capacités individuelles) sur les thèmes importants ayant été identifiés par le CODESRIA. L'objectif principal de ces groupes est de passer en revue les idées et théories conventionnelles émises sur des sujets spécifiques faisant l'objet de leur recherche et d'essayer d'engager une discussion qui, nous espérons, mènera à la découverte de nouvelles idées sur ces sujets. Là, le rôle principal du CODESRIA consiste d'abord à permettre à ces chercheurs de se réunir, deuxième ment à les encourager et à les aider à entreprendre de la recherche, et troisièmement à publier les résultats de leur recherche. Ces groupes sont en général formés lors des nombreux séminaires et réunions orga nisés par le CODESRIA chaque année. (iii) Nous avons également formé ou allons former ce que nous appelons des groupes de travail ou de recherche nationaux dans cha que pays africain. L'idée maîtresse de ce programme est encore d'ame ner un petit groupe de chercheurs engagés à réfléchir sur l'expérience de leur propre pays en matière de développement et à en faire ressortir les traits positifs aussi bien que négatifs, ce qui leur permettrait de faire une évaluation générale de cette expérience elle-même. Ainsi, nous espérons qu'ainsi une telle recherche après publication par le CODESRIA, peut être à la portée d'autres chercheurs dans diffé rentes parties de l'Afrique et aider à l'élaboration d'un corps de connaissances sur l'expérience de chaque pays en matière de dévelop pement ce qui permettrait de déduire certaines généralisations (basées sur une optique continentale) de ces expériences variées et utiles. (iv) Le CODESRIA entreprend différents types de publications. A commencer par ce journal lui-même dont je n'ai pas besoin de faire de commentaires sur les succès ou les échecs. Deuxièmement, nous publions un bulletin de nouvelles bi-mensuel appelé « AFRICANA » (en Anglais et en Français) qui sert simplement de forum d'informa tions sur ce qui se passe dans différents universités et instituts de recherche. Troisièmement, nous produisons sous forme de polycopiés un nombre limité des compte-rendus de nos séminaires, groupes de travail et conférences que nous mettons à la disposition des bibliothè ques des universités et des instituts de recherche, de manière à per mettre aux chercheurs de les consulter et d'avoir à leur portée des documents présentés à ces différents séminaires et réunions. Quatriè mement, nous avons maintenant adopté une procédure qui va permet tre aux coordinateurs de ces séminaires et réunions d'éditer les comp tes-rendus de ces séminaires de manière à ce qu'ensuite le CODESRIA puisse les publier sous forme de livres disponibles sur le marché. Cinquièmement, nous produisons un Annuaire qui contient des infor mations de base sur la recherche en Afrique. Cette publication tend à mettre les chercheurs au courant de ce qui se passe dans d'autres instituts de recherche avec lesquels ils n'ont pas de contacts. Sixième ment, nous avons mis sur pied un programme pour la diffusion de ce que nous appelons des documents de circonstance. Ces documents seront constitués de papiers courts mais significatifs et importants sur certains problèmes du développement et qui nous pensons, peuvent apporter une importante contribution d'idées. Ces documents seront également mis à la disposition des bibliothèques et seront en vente sur le marché. (v) Nous sommes également d'avis que l'échange d'informations entre chercheurs africains sur la recherche en cours est très important pour la recherche individuelle de tout spécialiste en science.
A cet effet, nous venons de concevoir un programme qui va permettre à certains Instituts de recherche dans diverses régions d'Afrique de créer des réseaux pour échanger des informations de base sur la recher che en cours dans différents instituts de recherche afin que les cher cheurs de chaque région puissent y avoir accès. Nous menons d'autres activités que je n'ai pas besoin de décrire ici. Tous ces programmes ont atteint différents stades de développe ment. Nous rencontrons bien sûr de sérieuses difficultés dans leur mise en application. Mais notre expérience des 5 premières années nous a encouragés et doucement mais sûrement la réaction et la participa tion (sur tout le continent) des instituts de recherche et de certains spécialistes de la recherche en science sociale à ces activités a commencé à avoir un impact sur le CODESRIA lui-même. Nous commençons à avoir le sentiment que malgré ces énormes difficultés mentionnées plus haut, nous pouvons entreprendre au niveau continental une action que nos spécialistes en sciences sociales peuvent apprécier et à laquelle ils peuvent activement participer ; car nous pensons qu'en fin de compte ces activités vont non seulement les aider personnellement, mais aider au développement d'une véritable science sociale en Afrique dont les bases seraient locales. Ce numéro d'AFRICA DEVELOPMENT est, dans ce sens, un numéro spécial portant sur un sujet d'un intérêt critique et vital pour le CODESRIA. Il est basé sur des documents présentés à la conférence du CODESRIA qui s'est tenue à Khartoum, au Soudan, en novembre 1978, sur le thème : « La Science Sociale, la Recherche et le Développe ment National en Afrique». Les documents sélectionnés parmi ceux de la conférence de Khartoum et publiés dans ce numéro se passent de commentaires. Je ne ferai donc pas de commentaires sur ces docu ments mais je vais simplement montrer qu'il y a une certaine cohérence dans le numéro dans son ensemble. Quatre problèmes critiques mais très étroitement liés sont discutés sous une forme ou sous une autre dans ce numéro spécial. Il y a d'abord toute la question de l'utilisation de la science sociale par l'impérialisme comme instrument de «domi nation intellectuelle et scientifique de l'Afrique et d'autres pays du Tiers-Monde». Deuxièmement, il y a le problème très important des modèles de développement issus de la science sociale conventionnelle (qui en elle-même est une « science » issue du système social capitaliste) et du rapport entre ces modèles de développement tels qu'ils sont appli qués en Afrique et le système socio-économique spécifique des pays africains. Troisièmement il y a la question très importante de la péné tration de la science sociale conventionnelle dans les programmes d'ensei gnement et de recherche des universités africaines, et par voie de consé quence, le rapport étroit qui s'est développé entre les instituts de recher che (qui ont recours à cette méthode ou approche conventionnelle) et les gouvernements en Afrique. Quatrièmement il y a également le pro blème tout à fait fondamental du rôle que nous Africains spécialistes de la science sociale avons joué dans nos propres sociétés pendant ces vingt ou vingt-cinq dernières aimées — certains tentaient de rendre légitime des modèles particuliers de développement économique alors que d'autres faisaient les critiques de ces modèles de développement. II s'agit là de problèmes très importants, liés les uns aux autres et complexels sur lesquels je ne ferai pas de commentaires, mais sur lesquels je vais simplement attirer votre attention. Le véritable objectif de cette publication est précisément d'initier un débat et une discus sion sur ces problèmes. Il n'y a nul doute que certains ressentiront le besoin d'exprimer un point de vue pour ou contre une opinion parti culière avancée dans ce volume et portant sur un aspect particulier de ce phénomène complexe. Nous serons heureux de recevoir des com mentaires et toute réaction. En fait, nous aimerions qu'un débat à grande échelle voit le jour sur ces problèmes cruciaux. A notre avis, deux phénomènes particulièrement importants sem blent être à la base de ces problèmes et nécessitent donc un bref com mentaire. Il y a d'abord le fait évident que pendant les 20 ou 25 dernières années, les économies des pays africains, loin de se dévelop per, se sont en fait détériorées et certaines d'entre elles en sont presque arrivées au point d'effondrement. En même temps, il y a presque eu une confession publique de la part de ceux qui défendent et plaident en faveur de la science sociale conventionnelle qui ont avoué que leurs modèles de développement n'ont pas aidé les pays africains à se déve lopper pendant cette période (voir ci-dessous). Sans pousser la logique de cette confession très loin, on peut dire qu'il existe peut-être un rapport entre les deux. En d'autres termes, si les économies africaines se détériorent parce qu'elles utilisent les modèles de développement de la science sociale conventionnelle, cette dernière n'est-elle pas la cau se de cette détérioration ? Il s'agit là d'un problème important qui néces site une discussion sérieuse. Cette situation a donné lieu à l'émergence de ce que l'un des documents a appelé la science sociale critique, qui d'après le document dispose d'une meilleure méthodologie d'analyse scientifique de la situation africaine. En fait, on prétend que le peu d'adeptes de la science sociale critique, les quelques personnes qui préconisent ou avaient adopté la méthodologie de la science sociale critique .avaient en réalité prédit la détérioration des économies africai nes. Il nous semble donc qu'il s'agit là d'un problème important qui apparaît dans tous ces différents documents et qui nécessite l'organi sation d'un débat à grande échelle. Deuxièmement, il y a la question du rôle que nous, Africains, spécialistes de la science sociale, avons joué pendant les 20 ou 25 dernières années. Et il est évident que la grande majorité d'entre nous a non seulement préconisé mais a cru fermement aux modèles conventionnels de développement. La question que nous devons donc nous poser est celle de savoir pourquoi il en était ainsi. Bien sûr, ces deux problèmes sont liés d'une manière très com plexe l'un à l'autre, et c'est ce rapport que l'un des documents tente d'analyser en détails et peut-être sous une forme controversée. Certains spécialistes de la science sociale qui sont de la plus jeune génération (l'écart de génération entre spécialistes africains de la science sociale ne devrait pas être sous-estimé) avancent maintenant l'argument qu'il y a en Afrique une plus grande prise de conscience de l'échec fondamental de la socience sociale conventionnelle, ce qui explique l'expression concomitante d'un intérêt grandissant dans ce qu'on appelle la science sociale critique tout au moins dans sa métho dologie. Cette affirmation demande une certaine attention. Comment peut-on l'évaluer ? Tout d'abord, s'agissant de l'échec de la science sociale conven tionnelle, il semble que c'est là un fait qui a été reconnu par les plus grands défenseurs decette science — aussi bien dans les pays de la métropole qu'en Afrique — En Afrique par exemple, le Secrétaire Exécutif de la Commission Economique pour l'Afrique des Nations Unies (CEA) a déclaré : « L'Afrique plus que les autres régions du Tiers-Monde se trouve confrontée à une crise du développement qui présage un sombre avenir. Malgré la grande dotation de ses régions en ressources naturelles et le rapport favorable entre population et res sources naturelles, malgré les stimulants libéraux et même non-discri minatoires que l'on offre aux entreprises privées, malgré notre parti cipation à des nombreuses conférences, aussi bien régionales qu'inter régionales, malgré notre adhésion aux théories et prescriptions ortho doxes — malgré tout ceci, ni des taux de croissance ou de diversifica tion élevés, ni un niveau grandissant d'autonomie et de dynamisme ne semblent être à notre portée » (mon insistance) (*). Deuxièmement, en ce qui concerne l'intérêt croissant que l'on porte à la science sociale critique, il s'agit d'un élément difficile à mesurer ou à quantifier. Il est de fait (et nous nous basons sur nos études et nos expériences au CODESRIA pour le dire) que la science sociale conventionnelle demeure encore puissante dans les facultés d'université et les instituts de recherche. En jetant simplement un regard sur les cours dispensés dans différentes universités et sur les descriptions des projets de recherche de plusieurs instituts de recherche on peut se rendre compte de la force de la science sociale convention nelle en Afrique — au moins au niveau officiel. Néanmoins, notre propre expérience nous permet encore d'avancer qu'une lutte véritable et continue a été engagée à tous les niveaux et dans presque toutes les facultés et instituts de recherche entre la science sociale conven tionnelle et critique. Il apparaît clairement que les intellectuels qui sont pour « l'establishment » (il s'agit pour la plupart des intellectuels de l'ancienne génération mais également de beaucoup d'intellectuels plus jeunes) et qui constituent la majorité tendent à défendre la science sociale conventionnelle. Il y a bien sûr nombre de raisons pour expli quer cette situation qui sont discutées dans un des documents et que nous n'avons donc pas besoin de reprendre ici. Par ailleurs, la science sociale critique est défendue en général dans ces facultés et instituts de recherche par les plus jeunes (et par quelques « hommes d'Etat » plus âgés) qui ont des idées plus avancées et qui sont souvent indiffé rents ou à tendance « anti-establishment ». Ce groupe constitue une minorité partout sauf quelques rares exceptions.
L'existence de cette lutte entre ceux qui défendent la science socia le conventionnelle et ceux qui préconisent l'adoption d'une science sociale plus critique est une réalité. Nous sommes d'ailleurs d'avis que cette lutte existe partout — et qu'elle varie en intensité d'un pays à l'autre selon le système politique en place et selon d'autres facteurs, Pourquoi cette lutte généralisée devrait-elle exister, particulièrement lorsque ceux qui plaident e nfaveur de la science sociale critique sont eux-mêmes membres des classes privilégiées des sociétés africaines ? Encore une fois ce problème est complexe et je ferai un bref commen taire là-dessus. Pendant ces 40 dernières aimées, il y a eu sur la scène internatio nale des développements importants qui constituent la toile de fonds de cette lutte. Premièrement, la structure de la division internationale du travail, et l'échec des soi-disant modèles de développement impo sés aux pays du Tiers-Monde au lendemain de la deuxième guerre mondiale, ont entraîné une série de crises dans ces pays. Ces crises ont donné lieu à la formation d'une condition objective qui ne pouvait manquer d'affecter les rapports entre l'idéologie et la politique dans plusieurs pays du Tiers-Monde. Une conséquence importante en fut la formation en Amérique Latine et d'une sérieuse école de pensée de la science sociale critique qui évoquait continuellement le rapport direct entre les échecs économiques des pays d'Amérique Latine et les modèles de développement de la science sociale conventionnelle (cette école de pensée critique est maintenant généralement acceptée par tous en Amérique Latine (*). Deuxièmement, pendant les trois ou quatre dernières décennies il y a eu un débat sérieux (aussi bien dans les pays de la métropole que dans ceux en développement) sur la nature et les mérites du déve loppement socialiste, surtout dans les pays sous-développés socialistes comme Cuba, la Corée, le Vietnam et la Chine. Ce débat a, par impli cation ,mis en cause les théories de développement préconisées par la science sociale conventionnelle, qui est après tout, un produit du système social capitaliste. Troisièmement, vers la fin des années 60 et au début des années 70, les crises grandissantes dans les sociétés capitalistes du centre elles mêmes (et leur périphérie européenne) ont été à l'origine d'un débat (aussi bien au sein des partisans de la science sociale conventionnelle) sur la validité et l'utilité de certaines des grandes théories et instru ments de recherche de la science sociale traditionnelle. Quatrièmement, le continent africain a également connu pendant toute cette période certains développements. Car (i) alors que le contex te international décrit ci-dessus prenait forme, les spécialistes africains dae la science sociale apportaient leur contribution modeste mais significatif pendant la lutte nationaliste et plus tard dans la société post coloniale. Le simple fait de mentionner quelques noms comme Césaire, Fanon, Cabrai, Amin, etc.., suffit à donner des indications sur le mou vement africain qui a apporté une contribution indépendante à l'essor de la science sociale critique, (ii) Deuxièmement, la détérioration des conditions économiques et sociales en Afrique pendant les 20 dernières années et l'état actuel de quasi-effondrement d'un bon nombre des économies africaines, a non seulement affecté les spécialistes de la science sociale eux-mêmes en tant qu'individus, mais a surtout changé leur vision de la réalité actuelle de la situation africaine. D'où l'intérêt croissant que portent un grand nombre de spécialistes africains de la science sociale à ce que l'on a appelé la science sociale critique. Cinquièmement, des institutions telles que le CODESRIA, l'IDEP, l'Université de Dar-Salam, etc, ont joué par leurs activités un rôle peut-être modeste dans la stimulation de cette prise de conscience et dans le processus de reconnaissance de l'importance de la science sociale critique. Sixièmement, l'amélioration des moyens de communication à travers le monde et la disponibilité en Afrique d'une littérature radi cale en provenance d'autres pays du Tiers-Monde, particulièrement la littérature latino-américaine et asiatique mais également celle en provenance de l'Europe et de l'Amérique du Nord, a joué un rôle non négligeable dans la lutte entre la science sociale conventionnelle et la science sociale critique. Tout ce que je viens de dire pourrait se résumer ainsi : une lutte s'est engagée dans toute l'Afrique entre, d'une part, une science socia le conventionnelle dominante, axée vers « l'establishment » et souvent appuyée par celle-ci et une science sociale critique défendue principa lement par une plus jeune génération de spécialistes africains de la science sociale qui constituent une minorité et occupent généralement des postes importants dans les universités ou les instituts de recherche en Afrique. Il ne nous appartient pas de prédire le résultat de cette lutte d'une part, parce qu'il s'agit d'une lutte qui se mène à l'échelle mondiale et d'autre part, parce qu'il s'agit d'une lutte interne à tel ou tel autre pays africain. De l'existence de la lutte — nous sommes convaincus. Cependant, quelle que soit l'intensité de la lutte, entre les deux tendances de la science sociale, le résultat final dépendra fonda mentalement des développements objectifs, politiques et économiques aussi bien au niveau international qu'au niveau africain. Le document du CODESRIA contenu dans ce numéro essaye à sa manière modeste d'attirer l'attention sur les réalités et les condi tions qui vont servir de cadre de travail à la plupart des spécialistes africains de la science sociale dans la décennie à venir. Il tente égale ment de faire de modestes suggestions et de proposer des directives pour guider dans leur action les spécialistes de la science sociale comp te tenu des conditions dans lesquelles ils travaillent. Le CODESRIA, comme cela a déjà été indiqué, existe depuis bientôt cinq ans. Le CODESRIA a maintenant atteint une pase critique de transition d'une première étape de mobilisation vers une deuxiè me étape où l'on utilisera les résultats de cette mobilisation pour encourager des discussions des sujets d'importance ou même éventuel lement pour diffuser de nouvelles idées. Nous avons dernièrement acquis des facilités de publication qui vont réduire certaines des diffi cultés que nous rencontrons (surtout le facteur coût) non seulement pour la publication de ce journal mais pour toutes nos autres publi cations. Nous prions tous nos collègues de se servir de ces facilités de publications de manière à ce que nous puissions initier et continuer un débat sur nos problèmes et sur notre développement futur. Ce débat ne peut jamais suivre une seule direction car il y a des arguments très solides soutenus par chaque action de la communauté de la science sociale. Que ce débat figure donc à l'ordre du jour et que le CODES RIA en soit le forum. Nous aimerions en particulier voir dans quelle mesure l'aproche ou la méthodologie de la science sociale critique peut pondre de nouvelles idées sur les crises de développement auxquel les l'Afrique se trouve confrontée. De ce point de vue, nous faisons appel à tous les spécialistes africains de la science sociale pour qu'ils reprennent les problèmes exposés dans ce numéro spécial d'AFRICA DEVELOPMENT de manière à ce que puisse s'organiser un débat public sérieux. Je pense qu'il est maintenant approprié de remercier tous nos frères, camarades et collègues africains qui ont toujours contribué non seulement à la publication de ce journal mais aux autres activités du CODESRIA. Je pense qu'il est également approprié de remercier tous les instituts, organisations et gouvernements africains qui ont contribué financièrement aux activités du CODESRIA. Je pense d'abord particulièrement aux instituts membres du CODESRIA, et j'aimerais aussi remercier les gouvernements africains qui ont apporté leur modeste contribution au CODESRIA sous forme de dons. Je remercie également certaines organisations internationales qui ont apporté leur appui sous différentes formes aux activités du CODESRIA — la SAREC pour son appui généreux au Secrétariat et au programme du CODESRIA, le CRDI pour son appui important au Secrétariat du CODESRIA et le FRIEDRICH Ebert-Stiftung pour l'appui qu'elle a bien voulu nous apporter dans l'acquisition de nos facilités de publi cation et certains de nos programmes.
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